Interview avec Fortunat Gregori

Directeur des achats Golden-Shrimps

Quelle est exac­te­ment vot­re fonc­tion chez Bianchi ?

Principalement l’achat de pro­duits sur­gelés, en pre­mier lieu les pro­duits de la mer, dont les cre­vet­tes repré­sen­tent près de la moi­tié. Je tra­vail­le aus­si à la pla­ni­fi­ca­ti­on pour Alpstein et un peu à la vente.

Restons-en aux cre­vet­tes. D’où viennent-elles ?

Principalement du Vietnam. Nous y entre­te­nons un bureau avec huit employés qui tra­vail­lent au plus près avec les pro­duc­teurs locaux et con­trô­lent tous les pro­ces­sus. Nous avons une influence directe.

Les cre­vet­tes sont un pro­duit com­ple­xe, n’est-ce pas ?

Oui, et com­ment. En pre­mier lieu, nous avons « Black Tiger ». Néanmoins cel­le-ci est de plus en plus évin­cée par la varié­té « Vannamei ». Elles sont éle­vées tou­tes les deux dans de l’eau saumât­re. C’est-à-dire moi­tié eau douce, moi­tié eau salée. « Black Tiger » est, à la dif­fé­rence de « Vannamei », plus dif­fi­ci­le, elle ne sup­porte pas trop l’eau salée. « Vannamei » est, à cet égard, plus faci­le. Elle gran­dit dans les deux envi­ron­ne­ments. Et elle gran­dit bien plus vite.

Y a‑t-il une dif­fé­rence de qualité ? 

Oui, « Vannamei » est plus tendre à la dégu­sta­ti­on et a un peu moins de goût que « Black Tiger ». Tout ce qui gran­dit plus vite est plus tendre et a moins de goût.

Alors pour­quoi « Vannamei » détrô­ne-t-elle « Black Tiger » ?

Parce qu’el­le gran­dit plus vite. Pour « Black Tiger » nous avons deux récol­tes par an, pour « Vannamei » quat­re. Sa dis­po­ni­bi­li­té est donc beau­coup plus grande.

Est-ce qu’en tant que simp­le con­som­ma­teur je remar­que la différence ?

Disons que dans un cur­ry vous ne la remar­queriez pro­ba­blem­ent pas. Si vous les com­pa­riez dans un test à l’a­ve­ug­le, gril­lées et salées, vous la remar­queriez cer­tai­ne­ment. Mais la plu­part des gens veu­lent juste man­ger des crevettes.

Y‑a-t-il une spé­cia­li­té de cre­vet­tes Bianchi ?

Oui, not­re spé­cia­li­té, ce sont les « Golden Shrimps ». « Golden Shrimps », c’est un éle­va­ge exten­sif dans lequel les cre­vet­tes, ici des « Black Tiger », sont éle­vées dans des forêts de man­gro­ve. Elles sont sépa­rées de la mer par une éclu­se. À marée hau­te, on ouvre l’é­clu­se, et les nut­ri­ments arri­vent avec l’eau de mer. À marée bas­se, les cre­vet­tes sexu­el­le­ment matures veu­lent aller à la mer pour fray­er, alors on se con­tente de mett­re un filet sur l’é­clu­se et elles se pren­nent dedans. Elles sont ramas­sées deux fois par jour, cela fait à chaque fois ent­re vingt et qua­ran­te kilos. Elles sont envoy­ées direc­te­ment à l’u­si­ne de trans­for­ma­ti­on éga­le­ment située dans les forêts de Mangrove, ce qui repré­sen­te un avan­ta­ge énor­me. Le trans­port ne prend que vingt minu­tes. Toute la pro­cé­du­re n’a lieu qu’à la plei­ne lune et à la nou­vel­le lune. Donc, deux fois par mois.

« Golden Shrimps » est donc vot­re pro­pre marque ?

Exactement. Nous l’a­vons cré­ée avec l’ai­de d’un bio­lo­gi­ste marin et fait cer­ti­fier. Une « Golden Shrimp » doit être une « Black Tiger » issue d’un éle­va­ge exten­sif, c’est-à-dire qu’el­le doit pro­ve­nir de ces forêts de Mangroves et ne doit pas avoir été nour­rie ni avoir reçu de trai­te­ment médi­cal. (Par cont­re, les cre­vet­tes inten­si­ves sont nour­ries pen­dant l’é­le­va­ge, leur cou­leur est modi­fi­ée à l’ai­de d’ad­di­tifs et, si néces­saire, elles subis­sent un trai­te­ment médical.)

Comment sont-elles tuées ?

Avec de l’eau gla­cée. En fait, on dev­rait tou­jours étour­dir les cru­sta­cés et les mol­lus­ques dans l’eau gla­cée. Ensuite elles sont trans­for­mées et arri­vent chez nous sept semain­es plus tard via Singapour.

C’est rapi­de ?

Très rapi­de. Surtout lorsque l’on con­naît les con­di­ti­ons logi­sti­ques au Vietnam. Ces cour­tes distances con­sti­tu­ent not­re avan­ta­ge concurrentiel.

Combien de temps se gardent-elles ?

Jusqu’à deux ans, sur­gelées. Toutefois, elles doi­vent être gla­cées. Les cre­vet­tes sont sur­gelées à l’a­zo­te par moins 60 degrés puis asper­gées d’eau. Cela fait com­me un gla­ça­ge de pro­tec­tion. Mais nous les fac­tur­ons tou­jours « true count », c’est-à-dire sans le gla­ça­ge, c’est plus honnête.

Depuis com­bien de temps tra­vail­lez-vous chez Bianchi ?

Trente ans.

C’est long.

En fait, je vou­lais rester six mois. Et main­tenant ça fait tren­te ans. À l’é­po­que, Bianchi cher­chait des gens pour l’é­té, des cui­siniers, et j’a­vais fait un app­ren­tis­sa­ge de cui­sini­er, alors mon chef m’a dit : « Vas chez Bianchi, c’est là que tu en app­ren­dras le plus », donc j’y suis allé et j’y suis resté jus­qu’à aujourd’hui.

Il se pas­se beau­coup de cho­ses en tren­te ans. Comment avez-vous vécu tou­te la trans­for­ma­ti­on de l’entreprise ?

Ça s’est tou­jours bien pas­sé. Je me suis déve­lo­p­pé en par­al­lè­le et j’é­prouve tous les jours du plai­sir à tra­vail­ler, jus­qu’à aujour­d’hui. Ce qui me plaît par­ti­cu­liè­re­ment, c’est que nous som­mes restés jus­qu’à main­tenant une ent­re­pri­se fami­lia­le. De ce côté-là, rien n’a changé.

Comment cela se tra­duit-il pour les collaborateurs ?

Des voies admi­ni­stra­ti­ves cour­tes. On voit direc­te­ment avec le direc­teur géné­ral. Ou quand j’ai un pro­blè­me et que j’ai beso­in de quel­que cho­se, je le dis et on s’en occupe. Je n’ai pas beso­in de pas­ser par cent aut­res bureaux. Les voies rapi­des et cour­tes faci­li­tent les décis­i­ons rapi­des. C’est important pour not­re acti­vi­té. Et c’est aus­si not­re force.

On sent à la fois la con­ti­nui­té et le cap. Nous avons les mêmes chefs depuis tren­te ans. Cela rend tous les pro­ces­sus plus efficaces.