chefs étoilés

Saison du skrei : Comment le cui­re, avec quoi le combiner?

Le cabil­laud d’hiver nor­vé­gien est le pois­son pré­fé­ré de Patrick Mahler. Un gui­de pour une pré­pa­ra­ti­on parfaite.

Texte: David Schnapp | 12. jan­vier 2025

Une demi-ton­ne de skrei. La sai­son du skrei ne dure que trois mois, de début jan­vier à Pâques. Ce n’est que pen­dant cet­te péri­ode et uni­quement dans une zone de pêche limi­tée au lar­ge des Lofoten en Norvège que les pois­sons peu­vent être pêchés pen­dant leur migra­ti­on pour obte­nir le label skrei. «En dehors de cet­te zone, c’est juste un cabil­laud ordi­naire», dit Luca Bianchi. Chez le mar­chand de déli­ca­tes­ses tra­di­ti­on­nel, des chefs étoilés com­me Patrick Mahler com­man­dent ce pois­son spé­cial pen­dant la cour­te sai­son. «Le cabil­laud d’hiver ne peut être appelé skrei que s’il vient de Norvège et qu’il est pêché à la pal­ang­re ou à la ligne à main, sai­gné direc­te­ment à bord et net­to­yé à l’eau de mer. Les pois­sons doi­vent att­eind­re la terre dans les quat­re heu­res sans inter­rup­ti­on de la chaî­ne du fro­id», expli­que Bianchi. Seuls les meil­leurs spé­ci­mens reçoi­vent fina­le­ment le label «Skrei» sur la nageoi­re dans des éta­blis­se­ments cer­ti­fi­és. Bianchi en a déjà com­man­dé une demi-tonne.

Délicatesse de Norvège : skrei fraîche­ment pêché des Lofoten.

Patrick Mahler, la sai­son du skrei, qui ne dure que trois mois, com­mence main­tenant. Qu’est-ce qui distin­gue le cabil­laud d’hiver nor­vé­gien selon vous?

La tex­tu­re et l’arôme de ce pois­son sont très acces­si­bles et agré­a­bles à man­ger, car il a une bel­le struc­tu­re et, avec la bon­ne métho­de de cuis­son, il se défait pres­que en lamel­les. Cela le distin­gue de tous les aut­res poissons.

Comment peut-on fai­re la dif­fé­rence ent­re le skrei et le cabillaud?

Le skrei est plus petit et plus fin, et il me sem­ble que sa chair est un peu plus blan­che. Mais en ter­mes de goût, la dif­fé­rence est mini­me. Les deux pois­sons ont une cer­taine douceur qui rap­pel­le pres­que les coquilles Saint-Jacques. Cependant, le skrei est mon favo­ri per­son­nel. Depuis que j’ai pris mon pre­mier poste de chef de cui­sine au Park Hotel Vitznau il y a envi­ron dix ans, ce pois­son figu­re à mon menu, et nous le ser­vons tou­jours pen­dant la sai­son du skrei.

Le skrei est éga­le­ment un label de qua­li­té stric­te­ment con­trôlé, fai­tes-vous atten­ti­on à ces certifications?

Bien sûr, nous prê­tons atten­ti­on à ces critères, cela devi­ent de plus en plus important. Nous éch­an­ge­ons régu­liè­re­ment avec des four­nis­seurs com­me Bianchi à ce sujet. Le skrei, par exemp­le, est dif­fi­ci­le à pêcher car les bateaux doi­vent aller loin en mer. Seuls les pois­sons pêchés au lar­ge des Lofoten obti­en­nent le label skrei. C’est vrai­ment quel­que cho­se de spécial.

Pour attra­per le skrei, les bateaux doi­vent aller loin en mer au lar­ge des Lofoten.

Vous avez men­ti­onné la tex­tu­re excep­ti­on­nel­le du pois­son. Quelle métho­de de cuis­son pré­fé­rez-vous pour la mett­re en valeur?

Nous fai­sons d’abord sécher le pois­son avec du sel et du sucre, puis nous le rou­lons fer­me­ment dans du film ali­men­tai­re pour qu’il pren­ne une bel­le for­me. Avant de le ser­vir, ce « rou­leau de pois­son » est cou­pé en por­ti­ons et con­fit douce­ment dans de la graisse. J’utilise pour cela du beur­re noi­set­te, de l’huile de pépins de rai­sin neu­tre ou de l’huile de colza. Il est important que l’huile n’ait pas un arô­me trop fort ni une cou­leur trop inten­se, sinon cela se trans­met au pois­son. La métho­de de cuis­son idéa­le s’est avé­rée être la cuis­son à la vapeur dans un cui­seur vapeur à 62 degrés. Après 8 à 12 minu­tes – selon la tail­le des morceaux – le skrei est par­fai­te­ment cuit et translucide.

Quelle err­eur ne faut-il pas com­mett­re lors de la préparation? 

Les pois­sons de la famil­le des cabil­lauds ne sont géné­ra­le­ment pas très sen­si­bles, dans les pays nor­di­ques, ils sont sou­vent ser­vis for­te­ment rôtis et sont tou­jours savou­reux. Cependant, je pré­fè­re les métho­des de cuis­son douces com­me le pochage ou la cuis­son à la vapeur, car elles met­tent mieux en valeur les sub­ti­li­tés gustatives.

«Subtilités gusta­ti­ves» : skrei avec des coquil­la­ges, des moril­les, du cavi­ar Kaviari et du vin jau­ne aux her­bes par Patrick Mahler.

«Le skrei est tou­jours au menu depuis dix ans» : Patrick Mahler, chef du restau­rant «Focus».

Utilisez-vous des pois­sons entiers ou des filets?

Cela dépend de la quan­ti­té de tra­vail que nous avons, mais la plu­part du temps, j’achète des filets. Le cabil­laud n’est pas si faci­le à décou­per. Et chez Bianchi, il y a des spé­cia­li­stes abso­lus dans ce domaine, qui peu­vent le fai­re beau­coup mieux et plus rapi­de­ment que moi. Les pois­sons sont file­tés le matin et arri­vent quat­re heu­res plus tard dans not­re chambre froide.

Qu’est-ce qui se marie bien avec le skrei, et qu’est-ce qui ne va pas du tout? 

Nous arri­vons main­tenant peut-être au plus grand avan­ta­ge de ce pois­son – il se marie avec beau­coup de cho­ses : nous avons déjà com­bi­né le skrei avec un fond d’oignons rôtis, de la truf­fe blan­che et noi­re ou un chi­michur­ri au citron salé. Même des save­urs ter­reu­ses de moril­les ou des élé­ments de cru­sta­cés com­me une bis­que au vadou­van ou des coquil­la­ges s’y mari­ent bien. Certains pois­sons ont beso­in d’une sau­ce gras­se ou d’une vin­ai­gret­te, mais pour le skrei, un simp­le bouil­lon clair et léger – com­me un dashi de pois­son – con­vi­ent également.

«Grande varié­té» : skrei par Patrick Mahler avec une sau­ce beur­re blanc au dashi, des cou­teaux, une crè­me d’oignons, des aman­des et des oignons grelots.

Herbes, légu­mes, câpres ou oli­ves – qu’est-ce qui peut enco­re être com­bi­né avec? 

Ici aus­si, la varié­té est gran­de. J’aime ajou­ter un peu de cavi­ar ou de peti­tes coquilles, sur­tout si la sau­ce a une cer­taine aci­di­té. Je com­bi­ne les légu­mes plutôt com­me un élé­ment de sou­ti­en au pois­son et non com­me un élé­ment visu­el­le­ment per­cep­ti­ble. L’arôme du céle­ri ou des épi­nards se marie bien avec le skrei, mais nous avons éga­le­ment uti­li­sé une émul­si­on de brocoli.

» Patrick Mahler (42 ans) est chef de cui­sine au restau­rant Focus Atelier du Park Hotel Vitznau depuis 2018, où il tra­vail­le depuis 2013. Il est membre des Grandes Tables de Suisse, son tra­vail est récom­pen­sé par 18 points GaultMillau et deux étoi­les Michelin. L’équipe du «Focus» par­ti­ra bien­tôt en tour­née : avec des appa­ri­ti­ons au Palais Coburg à Vienne du 24 jan­vier au 2 février 2025 et au Suvretta House St. Moritz du 26 février au 2 mars 2025.

Fotos: Tina Sturzenegger, Olivia Pulver, HO